Afin de vous présenter aux spectateurs et visiteurs du Théâtre des Beaux-Arts de Bordeaux, pouvez-vous nous évoquer vos parcours respectifs en quelques mots ?
Bertrand : Je suis Bertrand Tessier, saxophoniste, d’une formation classique au Conservatoire de Rouen et de Paris. J’ai fait de la musique contemporaine et après ça m’a amené à faire du jazz aussi. De rencontre en rencontre, on a monté ce petit trio.
Stéphane : Moi c’est Stéphane Borde, je joue du banjo, contrairement à Bertrand, je ne viens pas de la filière classique. Et pareil, au fil des rencontres on a monté ce trio de jazz, et ça fait maintenant 6 ans qu’on joue ensemble.
Frédéric : Je suis Frédéric Dupin, le tubiste du Jazz River Trio. J’ai aussi fait de la trompette auparavant, du classique également. Et après j’ai mal tourné, je me suis mis au jazz (rires). Et j’ai encore plus mal tourné le jour où j’ai rencontré Loïc Rojouan et que nous avons eu l’idée de créer ce spectacle en 2011.
Loïc : Je suis Loïc Rojouan, je suis comédien depuis 32 ans, auteur, metteur en scène et directeur du Théâtre des Beaux-Arts de Bordeaux. J’ai écrit ce spectacle. C’est en 2012 que Frédéric Dupin et moi avons eu l’idée de Bonsoir Charlie. On l’a monté une première fois et il avait besoin de modifications. Quand j’ai pris la direction du théâtre ici, c’est-à-dire en 2018, on a changé tout ça. On a fait intervenir Larra Mendy et Vincent Toujas, le co-auteur de Cartable. Ils ont remanié un peu l’histoire et ont amené des ressorts dramatiques.
De quoi parle Bonsoir Charlie ?
Loïc : Bonsoir Charlie raconte deux histoires très importantes. Deux histoires qui ont été mises en avant : une histoire d’amour, et puis la vie de Charlie Taylor qui est très compliquée. Tout cela est mis en avant. Et puis, très important, l’orchestre qui vient maintenant jouer avec Charlie est un nouvel orchestre qu’il ne connait pas. Les anciens musiciens avec qui il travaillait depuis longtemps ont été virés, on ne sait pas trop pourquoi au début. Ce sont de jeunes musiciens qui arrivent dans son émission et amènent un nouveau challenge, une tension dans l’histoire.
On découvre aussi une époque, parce qu’on parle aussi des actualités de l’époque, donc ça c’est important. Ce sont des années difficiles aux Etats-Unis après la grande crise. On plonge aussi dans l’histoire, parce qu’il y a deux pages d’actualités où on retrace les évènements des dix dernières années, donc de 1920 à 1930.
« L’idée était de s’ouvrir à un autre public que le public cible. C’est-à-dire que les amateurs de jazz découvrent le théâtre et les amateurs de théâtre découvrent le jazz. » Stéphane Borde
Bonsoir Charlie est plutôt un spectacle de théâtre musical ou plutôt un live théâtral ?
Frédéric : Ce n’est pas un concert théâtralisé.
Loïc : C’est du jazz-théâtre. C’est-à-dire que, oui, je crois que c’est du théâtre musical. Ce n’est pas de la musique qui vient illustrer du théâtre. C’est vraiment, un mariage, je crois, équilibré. Théâtre et jazz sont vraiment à égalité.
Votre spectacle s’adresse-t-il uniquement aux amateurs de jazz ? Est-ce que n’importe quel spectateur peut prendre plaisir à voir Bonsoir Charlie ?
Stéphane : Loin de là ! Justement l’idée était de s’ouvrir à un autre public que le public cible. C’est-à-dire que les amateurs de jazz découvrent le théâtre et les amateurs de théâtre découvrent le jazz.
Loïc : Bonsoir Charlie s’adresse à tout le monde. Amateurs de jazz, de théâtre, spectateurs curieux. Le jeune public peut le découvrir à partir de 8 – 10 ans, ce qui fait qu’on peut venir voir Bonsoir Charlie en famille sans aucun problème. Certains spectateurs ont qualifié Bonsoir Charlie de feel good show. C’est agréable, on se laisse porter, il y a de la bonne musique.
Pourquoi avoir accepté de jouer au théâtre ?
Stéphane : Parce que c’est une expérience intéressante de faire se mélanger les publics, d’aller voir un autre public que celui qu’on connait déjà. Ensuite, on rencontre des gens formidables et une metteuse en scène, Larra Mendy, incroyable.
Bertrand : Au début quand on en avait parlé, on voulait vraiment amener le public du jazz au théâtre et le public du théâtre au jazz. C’est ce qui m’a semblé intéressant.
« Le personnage de Charlie Taylor est intéressant parce qu’il est double, il a un comportement à l’antenne où il reste showman, et puis il a une vie, une vraie vie qui est beaucoup plus sombre que ce qu’il montre à l’antenne. » Loïc Rojouan
Comment se sont déroulés les répétitions avec la metteure en scène Larra Mendy ?
Frédéric : Larra sait amener ce qu’elle veut tout en douceur.
Loïc : Très bien, parce que Larra Mendy sait écouter les besoins de chacun, parce que les besoins d’un musicien ne sont pas du tout ceux d’un comédien. Les inquiétudes ne sont pas les mêmes. On ne s’inquiète pas des mêmes choses, on n’a pas les mêmes peurs, on n’a pas les mêmes besoins tout simplement. Et elle sait écouter tout ça, s’adapter.
Quelles sont les habitudes de musicien que vous avez dû gommer ou accentuer pour aller à cet exercice théâtral ?
Bertrand : Ce qui est étrange, au théâtre, c’est les répétitions, elles sont figées. Les arrangements musicaux sont faits au préalable, de fait, lors des répétitions, on s’occupe essentiellement des placements, c’est le plus intéressant.
Loïc, en quoi le personnage de Charlie Taylor est intéressant à jouer sur scène ?
Loïc : Il est intéressant parce qu’il est double, il a un comportement à l’antenne où il reste showman, et puis il a une vie, une vraie vie qui est beaucoup plus sombre que ce qu’il montre à l’antenne. À l’antenne il doit faire le show et sa vie à lui est beaucoup plus sombre, plus triste. Charlie est alcoolique et petit à petit on découvre pourquoi, et, surtout, ce qui va le sauver.
En quoi est-il un challenge pour vous ? Quelles nuances de votre jeu d’acteur avez-vous développées pour jouer Charlie ?
Loïc: D’expériences, j’ai beaucoup joué de comédies et là c’est un rôle passionnant à jouer parce qu’il a plein d’autres ressorts à avoir sur la simplicité, sur la sincérité. À des moments, il ne faut pas du tout aller chercher les mêmes choses. On a notamment deux passages où l’on découvre Charlie chez lui et où mon jeu s’apparente à un jeu de cinéma.
Le pitch du spectacle parle d’une « Amérique des années 1930 ». Hormis la musique d’époque, quels sont les autres éléments qui permettent de recréer cette période très caractéristique du XXème siècle ? Que pouvez-vous nous dire du décor, de la lumière ?
Loïc : Alors déjà, c’est un décor et une lumière travaillés par Vincent Toujas, Larra Mendy, Tom Rojouan et Romain Meurquin. C’est vraiment une création. Ils ont travaillé sur des nuances, sur des lumières qui vont nous évoquer la chaleur, la simplicité de certaines lumières de l’époque. Outre le travail de l’espace, le fait de coller à l’actualité de l’époque permet de replonger le spectateur dans ces années folles. Toute la scénographie permet une immersion du spectateur.
Si vous deviez qualifier le spectacle par trois mots, quels seraient-ils ?
Tous : Bonsoir Charlie est un spectacle émouvant, voyage, swing.
Propos recueillis par Alana Robert – Théâtre des Beaux Arts